Allez, aujourd'hui je vous raconte mes premiers pas en Open
Space.
Pardon, je commence déjà à être
vulgaire : on ne dit pas « Open Space » mais
« Espace de Travail Partagé »… Mon petit ETP…. Mon
immense ETP…
Je suis arrivée un beau matin d'Août,
dans ce grand espace tout vide.
Dans l’ascenseur qui me hisse au
sommet de mon gratte-ciel, je lance un timide bonjour. Vague
borborygme en écho.
Petit regard hyper décontracté
(stressée, moi ?) dans le miroir : tenue Ok, coiffure OK,
maquillage OK. Chaussures ? Oui chaussures : j’ai conjuré
le sort en mettant la paire qui m’a lâchée en plein entretien
d’embauche, ce qui m’avait valu de me contorsionner pendant 1h30,
en espérant que mon futur patron ne me confonde pas avec Bridget
Jones.
Peine perdue, j’avais bien
remarqué son regard condescendant glisser sur mon pied
clopinant.
Premier jour :
8h30 : Me voici donc seule au
monde, dans ce champ de bureaux à perte de vue.
Aux aurores, je le comprendrai plus
tard en voyant mes collègues arriver entre 9h30 et 10h, la mine
réjouie et les yeux englués de sommeil.
Je m’approprie un petit espace rien
qu’à moi, débarrassant la place qui m’est attribuée des
vestiges de mon prédécesseur (où est la poubelle ?)
Stylos neufs, cahier sentant bon le
papier frais, une vraie rentrée des classes.
Je tente de m’atteler à ma tâche
dont les contours sont encore un peu flous…. Je n’ai pas d’existence informatique pour le moment. Je vais donc lire la multiple
documentation afférente à mes nouvelles fonctions. Voyons… code
juridique, instructions, glossaires…. De vrais romans d’été !
Cela demande tout de même un peu de
concentration… c’est là qu’intervient Monsieur Grande Gueule.
Monsieur Grande Gueule est chef. Ca on
le comprend immédiatement. Il a un bureau, lui, mais ne le
fréquente qu’occasionnellement. Il préfère arpenter les bureaux
de l’Ope… non, de l’espace partagé, pour raconter sa vie à
qui veut l’entendre.
Monsieur Grande Gueule a un niveau
sonore qui lui permet de prétendre participer à l’audition de la
chorale du service. Mais où est la porte de mon bureau pour que je
puisse me concentrer sur mes passionnantes lectures ? Ah c’est
vrai, je n’en ai pas !
Deuxième jour :
J’arrive à 8h45… toujours personne…
J’arrive à 8h45… toujours personne…
Dans l’ascenseur, j’ai réveillé
mon voisin en lui disant bonjour.
L’écran de mon ordinateur reste
noir, toujours pas de code d’accès. Je me replonge dans mon polar
juridique : je me demande qui est le coupable : l’avocat
? Le comptable ?
10h : Monsieur Grande Gueule
arrive et je suis ravie d’apprendre qu’il a passé une excellente soirée.
J’envoie des signaux de détresse à
mes amis sur les réseaux sociaux, l’un d’eux me suggère
l’achat d’une agrafeuse en fonte à grande portée…afin de lui
jeter à la figure. Je note soigneusement l’idée.
11h45 pétante, c’est l’heure du
déjeuner… parce qu’après il y a trop de monde à la cantine. A
cette heure-ci j’ai à peine fini de digérer le petit dej, je me
demande comment font ceux qui sont arrivés il y à peine plus d’une
heure !
15h je viens d’attaquer un nouveau
polar. Finalement, c’était le banquier l’assassin, m’étonne
pas, tiens !
16h30 j’ai fini de lire. Un peu
décevante cette histoire. Je n’ai plus rien à faire mais je
m’occupe comme je peux jusqu’à une heure décente.
17h40…je décide que c’est une
heure décente.
Troisième jour :
9h… Yesss ! C’est habité !
Quel bonheur de voir un visage humain à l’arrivée !
9h30 (ben oui, avant il y avait le
café) je peux utiliser mon ordinateur, yesss bis !
10h je suis déçue, Monsieur Grande
Gueule est en vacances, c’est trop calme ici !
12h cantine (on est en retard, va plus
rester de frites !)
17h10 je pars. On est en août tout de
même !
Huitième jour :
J’arrive à 10h
Je ne dis bonjour à personne dans
l’ascenseur
Je me cale devant mon ordinateur et
enfonce mes écouteurs dans les oreilles.
A 11h45, je meurs de faim
A 16h30 je plie bagage
Cette fois, je crois que j’ai réussi
mon intégration !
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