mercredi 25 mars 2020

Ça plane pour moi !



Depuis déjà un moment je me suis tournée vers mon nombril.
Crise de la quarantaine cinquantaine, probablement.
J’ai bien lu tous les articles qui fleurissent dans les journaux de femmes « mûres » : il faut s’occuper de soi.

Plusieurs remarques cependant :
1/ après mûr, il y a pourri…. Alors non, je refuse. Je ne suis pas mûre, juste épanouie, non mais !
2/ pas facile à mon grand âge de regarder mon nombril…. je ne suis plus assez souple.
En tout état de cause, je me suis quand même rendue à l’évidence : il faut que je m’occupe de moi.
Mais vous êtes toute tendue ma p’tite dame, faut vous détendre. Vous avez essayé la sophrologie ?
Ou la la , vous être stressée vous, je vous conseille la méditation
Ah là, pour vous, je connais un truc génial : le Qi Gong
Et l’hypnose ?

Stop !
Qu’on se le dise, ces trucs-là ne sont clairement pas pour moi.
Trop lents, trop longs....
Laissez-moi tranquille !!!!

Alors tout de même, comme je suis une bonne pâte, j’ai consciencieusement essayé tout ça.
Je tiens avant tout à préciser que j’ai rencontré des professionnels sérieux et qu’à aucun moment je ne remets en cause leurs compétences.
Je n’ai par ailleurs aucun doute sur les vertus de ces différentes disciplines, et le sujet ici n’est pas d’en débattre.

Non, revenons à moi et mon nombril ! C’est bien le thème central, non ?


J'ai commencé par l'hypnose à un moment de ma vie où j’aurais de toute façon testé n'importe quoi pour éviter de me rencontrer et de dialoguer avec moi-même. Vous voyez ? Ce genre de plongée dans le cosmos à la manière Gravity.... mais sans Georges Clooney à la rescousse.
Je me suis donc prêtée à cet exercice étrange, convaincue, comme la majorité des gens, que j'étais totalement hermétique à l'hypnose.
Faux. 
Malgré une tentative de résistance (on a sa fierté tout de même !) les images se sont mises à défiler comme un rêve éveillé, le but étant de suggérer à notre sympathique subconscient (un vrai pote, celui-là) que la vie est belle. 
Raté ! C'est quand je suis sortie brutalement de ma transe en ayant clairement visionné mon corps mort, abandonné sous des feuilles, mortes elles aussi, que j'ai compris que je n’avais pas du tout envie de savoir ce que mon cher pote, ledit subconscient, avait en tête. Je déteste les films d'angoisse. 
Exit l'hypnose.

Après cette traumatisante expérience, nous sommes restés, mon subconscient et moi, un long moment sans nous adresser la parole.


Puis un jour, j'apprends que ma boîte propose un atelier Qi Gong (prononcer "Chi Kong") sur l'heure du déjeuner. Je n'avais aucune idée de ce que c'était, mais je me suis laissée convaincre par une gentille collègue enthousiaste. 
Me voici donc, affublée d'un délicieux jogging informe et de mes belles baskets roses fuchsia, très à l'aise dans l’ascenseur de mon entreprise (hall en marbre et gens très importants en costume cravate), prête à rejoindre le parc où se déroule le cours. 
Sur place, zénitude absolue.
On salue le Soleil, on fait coucou aux éléments et hop, on fait le cygne! On se relâche, on se détend (on quoi ?) et hop, on attrape la Lune !
Allez, rappelez-vous, vous les avez déjà rencontrés, ces gens qui font des mouvements étranges au ralenti, un sourire béat aux lèvres. Et avouez que vous avez même fait un détour pour ne pas passer trop près d'eux.
En ce qui nous concerne (moi, mon nombril et mon pote le subconscient), nous ne sommes pas forcément hyper en phase avec mon corps d'humaine empotée, mais je m'y suis finalement habituée (les deux autres, je ne suis pas sûre). Toutefois, me mouvoir à la vitesse d'un paresseux mimant l'envol de l'oie sauvage ou l'enracinement du chêne un soir d'orage ne m'inonde d’aucune énergie particulière. En dehors, évidemment, de l'envie subite de disparaître immédiatement sous terre. Mais la position de l'autruche ne fait pas partie du programme....
Adieu donc Qi Gong.

Me voici totalement désœuvrée, culpabilisant de ne pas être capable d’offrir un peu de détente à mon pôvre esprit torturé.


Les nuits se succèdent, peuplées de Bouddhas déchaînés. Mes cairns s'écroulent lamentablement dans un bruit de fracas infernal. 

Il me reste pourtant un dernier espoir: méditation et sophrologie. Ah, je vois déjà les puristes s'insurger à grands cris. Oui, je sais, ça n'a rien à voir. Mais les effets ayant été strictement identiques pour moi, vous me permettrez de les traiter dans le même paragraphe. Cela va écourter ma longue complainte ... et puis je fais ce que je veux de mes récits autour de mon nombril, non mais !

Or donc, disais-je.... 
J'ai testé la méditation il y a un peu plus de vingt ans lorsque j'attendais mon premier bébé. Souvenirs attendris et éblouis de plénitude absolue, j'avais envie d'essayer à nouveau.
Alors au début, ça va. Compter chacun de mes orteils, de mes doigts, de mes oreilles (une..deux), j'y arrive, très fière.
Tenter de sentir mon corps en harmonie avec la Terre, ça se gâte.
Respirer..... ayé, je m'étouffe !
Bon... on recommence. Un orteil, deux orteils...
La sophrologie, je le confirme pour rassurer les pros, j'ai bien compris que ce n'était pas la même chose. Mais cela utilise les mêmes méthodes de relaxation.... et il faut que je vous confesse quelque chose. Ça m'endort !!! Invariablement, à chaque séance, je sombre dans un sommeil profond.
Et là, c'est le drame.
Parce que, lorsqu'on est pourrie, mûre, épanouie comme moi et que l'on s'assoupit, on a une légère tendance à émettre de délicieux bruits communément appelés ronflements. Glamour, non ?

Après ce cruel aveu, il ne me reste plus qu'à me retirer sur la pointe des pieds.
Certes, il me reste le yoga...pas assez souple.
Le murmure à l'oreille des chevaux... hors de question, ces immenses bêtes me terrifient.
Le câlin aux arbres... pas très envie de finir enduite de sève ou couvertes de tiques

Hélas, je resterai à tout jamais tendue, anxieuse, stressée, angoissée, agitée, tourmentée, oppressée....

 DÉJANTÉE !!!!!

Pour vous servir !






vendredi 10 mai 2019

Epitaphe


Ce matin je suis morte.
Ah non, ne commencez pas à pleurer hein ! (ou à vous réjouir pour certains, bande de rascals). 
Vous croyez vraiment que ça m'amuse ?
Je n'ai vraiment pas le temps de mourir. En plus j'ai laissé ma cuisine en bazar...

Je suis morte ce matin, c'est clair, net et visiblement définitif.
Ok
Juste un instant... je digère l'information....



Bien, soyons pragmatique, il y a quand même deux ou trois petites choses que je voudrais organiser. 
Hein ? Le lâcher-prise ? C’est quoi ??

Don d'organes
Je suis pour, à fond ! Prenez tout !

Les poumons : nickel ! Je n'ai jamais fumé, jamais fait de jogging ni de vélo dans les rues polluées de Paris. Je préférais prendre ma vieille voiture pour participer à l'effort commun de pollution. (Ah.... j'en vois de nouveaux qui se réjouissent de mon trépas)
Les reins et le foie : si l'on considère que les milliers de litres de Coca que j'ai ingurgités ont nettoyé le mélange abondant de bière, vin et petits apéros, c'est bon, prélevez !
Les yeux : bonne occasion, uniquement pour vue de loin et sans les reliefs !
Le cœur : il paraît qu'il est bon et généreux, alors si le cœur vous en dit...


Les obsèques
Pas de barbecue ! Ça c'est bon uniquement pour les chipos et les sardines.
Trouvez une petite boîte toute simple, sans frou-frou à l'intérieur. Sérieusement, vous m'imaginez déguisée en Barbie entourée de dentelles et de velours ?
Bon d'accord, une jolie robe, mais sans collant, ça boudine. Ah zut, je n'ai pas eu le temps de m'épiler....

Où ? J'ai un petit garçon qui m'attend depuis quelques années, mais si la place est déjà prise alors trouvez-moi un petit coin au soleil, loin du bruit.

Pour la tombe, j'imagine une petite stèle discrète de ce type :


Je vous laisse libre d'y faire graver quelques modestes hommages.


Des fleurs ? Oui plein ! Après tout, on ne m’en offre pas tous les jours ! Mais pas de fleurs emprisonnées dans des couronnes ou des potiches en simili marbre. Laissez-les libres, champêtres, bohèmes…
Et le premier qui s'avise de se pointer avec des géraniums je promets de venir le hanter chaque nuit pour l’éternité !
C'est moche, un géranium....


Comment ? C'est ma dernière fête de mon vivant... oui enfin presque, vous me comprenez quoi ! "J'veux qu'on rit, j'veux qu'on danse, j'veux qu'on s'amuse comme des fous" disait le Grand Jacques. Je veux des funérailles à l'Ecossaise. De la musique, du bruit, des éclats de rire. Ma photo au milieu de la pièce et mes proches accoudés à un vieux piano, qui se bidonnent en se remémorant mes conneries, une chope de bière à la main. Mais vous n'êtes pas obligés de venir en kilt, hein !
En vérité je n'ai absolument aucune idée de la façon dont on dit adieu aux morts en Ecosse, mais bon, vous voyez un peu le truc.

L'héritage, les sous, le pognon !
Le quoi ? Ah, le truc que je n'ai pas... 
Alors avec moi, le notaire peut aller se brosser, à moins qu'il un prenne un pourcentage sur les dettes.
En revanche, il y a des milliers de petites choses à récupérer dans mon antre, voir chapitre suivant.

Mon bazar
Aïe, je savais bien que j'aurais dû ranger un peu.
Vous venez de vous prendre la moitié de mes affaires sur le nez en ouvrant le placard ? .... Pardon, j'ai toujours aimé le rangement à la Gaston.



Jetez les factures, publicités périmées et autres journaux dans la poubelle jaune (celle des recyclables, faut être clean jusqu'au bout). 
Jetez tous les papiers. Sauf, sauf peut-être les centaines de pages gribouillées, d'histoires inachevées, de récits déjantés, de cris sauvages, de combats sanglants....

Cette fois c'est sûr, je ne mettrai plus jamais mon jean préféré, taille 38, qui attendait patiemment que j'entame mon 35ème régime pour le retrouver. Quoique, techniquement, comme dirait mon fils, je vais maigrir prochainement... 
Mon placard regorge de vêtements qui se marrent dès qu'ils me voient approcher, mais que je garde au cas où, miraculeusement, mes rondeurs se seraient envolées un matin au réveil.

Ah, oui... Y a t-il un bricoleur parmi vous ? Je lui lègue tous les objets que j'ai soigneusement démontés pour les réparer, et dont j'ai entre-temps perdu une pièce, une vis etc... Je crois que mon appartement ressemble à un puzzle géant !

Tout ce que je n'ai pas eu le temps de osé faire
Publier mon roman
Sauter en parachute
Visiter les contrées les plus reculées de notre planète
Dire NON plus souvent
Dire OUI plus souvent
Chanter dans une comédie musicale. Ok, sur ce coup, même si j'avais braillé "ouiiiiiii je le veux", mes prouesses de danseuse auraient peut-être légèrement freiné l'enthousiasme des producteurs. Un tel talent ignoré de tous, quel gâchis...




Je n'aurai décidément jamais aimé
Prendre le métro/bus/RER/boîte à sardines/ boîtes à odeurs 
Faire le ménage (Il y en a qui aiment ici ?) 
Avoir une maison sale (oui, je sais, la logique et moi....) 
Les endives cuites 
Les épinards
Les oeufs durs chauds 
Et pire encore, les oeufs durs chauds sur lit d'épinards, nappés d'une horrible sauce blanche. Plutôt mourir ! 
Ah, tiens, c'est fait !...

Dernières paroles
J'espère avoir suffisamment dit à ceux qui comptent combien je les aime.... non, on ne le dit jamais assez....

Arggg, ça y est ! Du mélo mielleux, du sentiment…. Je vous vois avec l’œil humide et la narine frémissante.
Finalement, je vais revenir, géranium ou pas, parce qu’il me reste encore des milliers de choses à vivre.
Je vous l’ai dit : je n’ai pas le temps de mourir, non mais !